Axe 1

Modèles, méthodes et outils pour l’étude du bâti patrimonial

Coordinateur : Jean-Yves Blaise

Notre laboratoire s’est recentré au cours des dernières années autour d’un objectif scientifique central : développer des méthodes, des outils et des modèles pour observer, comprendre et documenter les évolutions du bâti patrimonial. Interrogeant souvent technologies et formalismes informatiques existants, notre approche se caractérise par quatre contributions-clés :

  • une méthode de travail, intégrant les logiques de modélisation architecturale aux pratiques de la visualisation d’informations, au travers de laquelle la forme du bâti joue le rôle de point d’ancrage structurant des documents hétérogènes, donne accès à ces documents (maquettes 2D/3D comme modalité privilégiée de navigation), puis fait passer la maquette d’un rôle d’interface à celui d’un dispositif de visualisation d’informations, débouchant sur des modalités de représentation plus ou moins abstraites ;
  • la mise en oeuvre de modèles théoriques et de représentations graphiques répondant aux exigences particulières du domaine d’application : temps long, données lacunaires ou fragmentaires, incertitudes, objets déplacés ou délabrés, etc.
  • des protocoles d’acquisition de données métriques innovants, balayant un large spectre de technologies, et adaptés aux contraintes spécifiques du relevé architectural (objets de grandes dimensions, fort besoin de segmentation et de sémantisation des masses de données acquises, etc.) ;
  • un important effort de déploiement des travaux de recherche vers les communautés scientifiques et professionnelles du domaine ainsi que vers le grand public.

Dans un moment où des progrès technologiques et méthodologiques significatifs renouvellent les possibles, nous souhaitons concentrer nos efforts autour d’un grand enjeu transversal : comment pouvons-nous réellement mettre à profit les avancées technologiques et méthodologiques récentes pour observer, analyser, faire connaître et réinvestir notre héritage de façon plus rationnelle, plus ouverte, plus économe, plus pérenne ?

Cette question est à placer dans une double filiation :

  • tout d’abord les avancées technologiques récentes en matière d’acquisition de données spatiales (balayage laser 3D, photomodélisation, etc.), d’analyse géométrique et d’interprétation sémantique de ces données (méthodes d’indexation, annotation sémantique, modélisation paramétrique), et enfin de leur exploitation au sein de systèmes d’information multi-interfacés (bases de données 2D/3D, multi-représentation, multi-echelle, etc.) ;
  • ensuite, les grandes avancées méthodologiques de la fin du XXème siècle, que ce soit la sémiologie graphique de Bertin, les principes d’analyse scientifique de J.M Pérouse de Montclos, la mise en évidence des rapports temps / lieu / société dans l’émergence du fait bâti que font lire les travaux de J.Cuisenier, ou encore les principes et applications d’E.R Tufte en matière de visualisation d’informations.

Pour tenter d’y répondre, nous proposons une démarche d’étude du bâti patrimonial, et des savoirs dont il témoigne, se déclinant au travers de trois thèmes principaux. Ces thèmes de recherche recouvrent des outils, des méthodes, des modèles, dispersés, relevant scientifiquement aussi bien des sciences historiques que des sciences pour l’ingénieur. Leur intégration dans une approche transversale doit donc être comprise comme un des enjeux majeurs de cet axe.

Relevé, restitution géométrique et caractérisation sémantique des formes architecturales
Christine Chevrier (MAP-Crai), Livio De Luca (MAP-Gamsau), Renato Saleri (Map-Aria)

Ce thème se concentre sur la définition de méthodes de relevé et de représentation architecturale innovantes intégrant des technologies d’acquisition de données spatiales, des approches de caracterisation sémantique des données tridimensionnelles ainsi que des solutions pour la restitution géométrique des formes architecturales basées sur des modèles paramétriques.

Méthodes, techniques et outils pour l’acquisition et l’intégration de données spatiales. L’évolution récente des techniques d’acquisition permet aujourd’hui d’obtenir des données fiables et en grande quantité rapidement (photographies numériques, scanner laser). Les besoins en modèles 3D pour des applications très diverses ont vu le jour : études scientifiques, historiques ou architecturales, visites virtuelles, simulation d’illumination, restitutions archéologiques, films d’animations, etc. Au vu de la forte expérience accumulée par le laboratoire dans les dernières années en terme de maîtrise des systèmes à balayage laser 3D et de photomodélisation, trois pistes principales sont aujourd’hui à creuser.

Premièrement, la définition d’approches permettant l’intégration d’un jeu d’acquisitions spatialisées (métriques, radiométriques, thermographiques, etc.) pour l’élaboration de supports multicouches d’analyse et de suivi des altérations des surfaces. Des actions de recherche sont en cours de montage avec le concours du Centre Interrégional de Conservation et Restauration du Patrimoine de Marseille et avec le Centre de Recherche sur la Matière Divisée de l’Université d’Orléans.

Deuxièmement, la possibilité d’insérer des éléments de sémantique architecturale dans les procédures de relevé et d’extraction d’informations dimensionnelles dès les premières phases de traitement des données. Cette intégration pourrait être exploitée dans deux directions :

    • lecture directe de paramètres dimensionnels correspondant aux concepts architecturaux capables de décrire l’artefact étudié ;
    • élaboration de représentations géométriques 2D/3D structurées au regard des dits concepts, et servant d’interface graphique aux systèmes d’information.

Dans ce contexte, dans le but d’élargir la problématique du relevé à l’analyse comparative d’artefacts, une attention particulière sera portée à la définition de protocoles de relevé flexibles (basés exclusivement sur des photographies) et « à la portée de tous » ouvrant au développement de démarches expérimentales de documentation participative d’artefacts (via internet, réseaux sociaux, etc.).

Concernant les autres échelles, l’exploitation de vecteurs aériens dédiés à la prise de vue d’objets architecturaux et urbains trouve une place toujours plus importante au sein du laboratoire MAP. Faisant suite aux campagnes de prises de vue à vocation patrimoniale en Tunisie (théâtre d’Oudhna) et en France (Fortresse de Salses, Chaux des Crotenay, Yenne, Savigny, etc.) nous avons développé un parc technique et opérationnel de vecteurs aériens divers (drone hélicoptère, ballon, avion léger, etc.) embarquant des capteurs téléopérés dont la mobilisation spécifique est fonction des besoins et des contraintes liées à la nature des couvertures envisagées, l’opérabilité des dispositifs allant ainsi de l’échelle urbaine dense à l’échelle du territoire. Les prises de vue aériennes peuvent utilement trouver une place en amont d’un travail d’analyse ou de modélisation géométrique en offrant une source d’informations particulierement riche et adaptée à la génération automatique de modèles numériques d’élévation. La collaboration avec le laboratoire Matis de l’Institut Géographique National sera essentielle à ce sujet.

Caractérisation sémantique des représentations géométriques. Notre approche de la représentation d’artefacts s’appuie sur le choix fondamental de décrire l’espace en fonction de la sémantique architecturale. Dans ce sens des efforts importants ont été menés ces dernières années afin d’intégrer un niveau de représentation purement géométrique avec un niveau de description sémantique des éléments d’architecture. Le but d’étendre l’acquisition et le traitement des données spatiales à l’étude comparative d’artefacts amplifie l’intérêt de cette problématique, qui aujourd’hui est par ailleurs en train de se renouveler grâce à un intérêt croissant d’autres communautés scientifiques.

Les avancés dans ce sous-thème concernent trois aspects principaux :

    • la définition de structures de description (sémantique/géométrique) permettant l’analyse croisée de paramètres dimensionnels et morphologiques d’éléments typés ;
    • la constitution de bibliothèques de formes architecturales à partir de protocoles d’acquisition et de traitements géométriques organisés autour d’un jeu de connaissances pré-structurées ;
    • la définition de méthodes de classification d’éléments d’architecture croisant à la fois des critères qualitatifs (annotation sémantique) et morphologiques (analyse géométrique).

Les actions de recherche potentielles seront engagées avec la collaboration du laboratoire CNR-IMATI (Conseil National des Recherche – Institut de Mathématiques Appliquées) de Gênes dans le cadre de l’action coordonnée de la communauté européenne FOCUSK3D.

Modélisation paramétrique de formes architecturales. La modélisation d’édifices patrimoniaux est aujourd’hui une tâche très laborieuse quelle que soit la méthode utilisée (outils de CAO, photogrammétrie ou relevé laser) parce que les éléments architecturaux du patrimoine sont d’une grande complexité géométrique et sont très variés. Les nuages de points issus des relevés laser (lasergrammétrie) ou de photographies restent trop volumineux pour être utilisables tels quels. Si un maillage des surfaces reste la solution la plus appropriée pour la modélisation des éléments sculptés, cette solution reste inadaptée à des formes géométriques descriptibles par un ensemble de critères :

    • aucune sémantique n’est liée aux objets (un seul maillage peut représenter une façade entière de bâtiment) ;
    • le volume des données est très important alors qu’une surface plane ne requiert que quelques points contre quelques milliers avec un maillage ;
    • il y a souvent des surfaces ou des parties de surface masquées par d’autres objets, laissant des trous dans le modèle 3D.

Des logiciels commerciaux permettent la création d’éléments géométriques simples (plan, sphère, cylindre…) à partir d’un ensemble de points sélectionnés dans un nuage de points mais aucune librairie d‘éléments architecturaux n’est disponible. Des recherches sont en cours afin d’extraire automatiquement des données architecturales dans des nuages de points. Cependant, le passage de ces données géométriques (polygones représentant les murs et les ouvertures par exemple) au modèle paramétrique correspondant n’en est encore qu’à ses débuts. Automatiser la modélisation des éléments les plus courants permet la création rapide de modèles précis, consistants et réutilisables.

Une classification sémantique associée à une modélisation paramétrique des éléments architecturaux permet un gain de temps considérable par rapport aux techniques classiques. L’étape la plus longue reste l’adéquation géométrique d’un modèle paramétré aux données mesurées (photographies et relevés laser), c’est-à-dire donner les bonnes valeurs aux paramètres, ce qui est actuellement principalement réalisé par l’utilisateur. Nous travaillons depuis plusieurs années sur la modélisation paramétrique architecturale et les résultats sont très encourageants. Dans les années à venir nous allons nous concentrer sur l’ajustement des modèles paramétrés aux objets existants, objets qui parfois ont une géométrique imparfaite. Nous tenterons alors de répondre aux questions suivantes :

    • Comment adapter un modèle géométrique paramétrique (théorique) à un cas réel imparfait ?
    • Dans quelle mesure serait-il envisageable d’avoir des paramètres permettant de générer ces formes non parfaites ?

Analyse, structuration et visualisation d’informations et de connaissances
Jean-Yves Blaise (MAP-Gamsau), Iwona Dudek (MAP-Gamsau)

Depuis une quinzaine d’années, sous l’influence du développement des NTIC, l’étude du bâti patrimonial a connu de profondes mutations, que ce soit avec l’introduction de nouveaux outils de gestion d’informations, ou avec l’application de nouvelles technologies d’acquisition de données et de représentation volumétrique du bâti.

L’effort entrepris en France depuis le XIXème siècle pour comprendre et transmettre le bâti patrimonial (i.e. la chose bâtie, un artefact matériel, mais aussi la chose mentale, un jeu de connaissances) s’en trouve naturellement questionné de façon profonde. Comment continuer aujourd’hui, de façon rigoureuse et structurée, un tel effort de long terme en tirant effectivement parti des avancées scientifiques et technologiques récentes ? Au-delà des enthousiasmes ou réticences épidermiques, sommes-nous finalement capables, concrètement, sur un jeu de cas réels, de mieux observer, de mieux analyser, et de mieux faire partager ce que nous comprenons du bâti patrimonial et de son évolution ? (Derrière l’adverbe « mieux » il faut ici comprendre « se traduisant par un gain dans l’étude», c’est-àdire se traduisant par des protocoles d’étude plus robustes, plus interopérables, plus efficaces – au sens économie de moyens, plus pérennes, plus rigoureux scientifiquement – au sens affichage des conditions de mise en oeuvre de traitements, précision de mesure, non-masquage des incertitudes ou des données lacunaires).

Face à ces questions, les travaux à mener tenteront de répondre, par la (les) pratique(s), à certains des enjeux soulevés par l’introduction de nouvelles technologies dans l’étude du bâti patrimonial (nommément, et en particulier, sur l’identification, l’acquisition et la représentation de données métriques pertinentes, sur la structuration, l’interfaçage et la visualisation d’informations à propos du bâti et de ses évolutions, sur sa contextualisation historique et géographique, sur sa lisibilité comme individu au sein d’une collection, c’est à dire sur une chaîne d’activités allant du recueil de données à la valorisation).

Intégration, exploitation et visualisation de sources documentaires et d’informations. L’étude du bâti patrimonial s’appuie à la fois sur l’observation contemporaine de celui-ci, au travers de campagnes de fouilles ou de relevé, et sur la mise à disposition de sources documentaires anciennes ou contemporaines. Pour comprendre, décrire puis rendre compte ses évolutions souvent complexes, il apparaît naturel de vouloir croiser les différents jeux d’indications que le temps nous a légués : documents d’archives ou traces archéologiques par exemple. Il apparaît tout aussi naturel de vouloir tirer parti des relevés architecturaux contemporains fixant avec une précision nouvelle les enveloppes géométriques de ce qu’il reste du bâti. Ces différents indices restent néanmoins aujourd’hui très largement dispersés : il devient dès lors coûteux et difficile d’en tirer le meilleur parti, et de conduire de façon plus efficace et plus économique le recueil de nouvelles informations. Trois questions complémentaires sont posées :

    • Comment structurer et donner accès aux données et informations manipulées dans l’étude du lieu bâti; données non seulement hétérogènes (ou incompatibles si on se place du point de vue strictement applicatif) mais aussi le plus souvent incomplètes, incertaines, voire contradictoires?
    • Comment mieux intégrer ces informations, au sein d’un dispositif de type système d’informations architecturales, afin de visualiser et de raisonner sur ces informations, de les contextualiser, dans cette perspective de « découverte » que J.Bertin a soulignée ?
    • Comment enfin déployer formalismes et outils de cette intégration dans la pratique concrète de la production de données ?

Cette action se situe à la croisée de deux efforts de modélisation :

    • Un effort d’analyse et de structuration des éléments architecturaux constitutifs du lieu, afin d’identifier les formes bâties pertinentes pour comprendre l’évolution de ce lieu. Il ne s’agit pas ici de faire une somme d’objets, mais bien d’identifier ceux qui, à chaque échelle informationnelle, permettent d’en souligner la genèse ou les particularités.
    • Un effort de description et une structuration des indices au travers duquel doivent émerger ces notions, souvent peu confortables pour le développeur de systèmes d’informations, que sont l’incertitude, la contradiction, l’incomplétude des données et les questions que pose leur datation. In fine, l’indice est d’une part qualifié (incertitudes, provenance, etc.) et d’autre part affecté à une ou des formes architecturales, inscrites dans le temps.

Dès lors c’est l’indice lui-même qui est distribué dans l’espace et le temps. Pour autant que ce rapport contenu architectural /données soit correctement implémenté (pour autoriser la création en temps réel des maquettes comme réponse à interrogation sur la base de données), il devient possible d’utiliser la maquette comme outil de tri des données (interrogation de chaque forme à l’intérieur de la maquette), mais aussi les données comme outil de production de la maquette (création d’une maquette correspondant à un jeu de données spécifique).

Identification, structuration, modélisation de transformations architecturales. Le développement des technologies de l’information et de la communication a, dans l’étude du bâti patrimonial, contribué à améliorer les conditions dans lesquelles sont organisés, représentés et distribués les jeux de connaissances propres à ce domaine.

Mais de nouveaux écueils méthodologiques sont également apparus : par exemple, parce que l’architecture patrimoniale relève des sciences historiques, les informations sont qualifiées par une évaluation (potentiellement multicritères) de leur crédibilité, interrogeant souvent les formalismes informatiques existants. Par ailleurs, l’identification de granularités spatiales et temporelles adaptées à une meilleure compréhension des dynamiques de transformation du bâti reste aujourd’hui une question ouverte, au-delà d’ailleurs du champ de l’architecture. Enfin, un certain nombre de questions se posent sur la représentation même: souvent réduite à un rôle d’« outil de communication», mais potentiellement support d’investigation permettant d’évaluer graphiquement nos connaissances, comme elle l’est aux échelles du géographe.

En résumé, les différentes étapes de l’étude du lieu bâti et de ses transformations, de ce processus de production de connaissances, restent aujourd’hui largement disjointes. Elles ont pourtant un point commun : l’édifice, entité spatiale, entité pluriscalaire, entité pluridisciplinaire.

A partir de ce constat, il apparaît légitime de mener un travail de structuration de connaissances approfondi, sur le long terme, croisant deux filtres distincts :

    • Un filtre spatial, permettant de lire, de décrire, et enfin de modéliser le bâti comme composants et composition, dans l’espace.
    • Un filtre temporel, permettant de qualifier les transformations du bâti, les passages d’un jeu composants/composition au suivant, puis de raisonner comparativement sur les mécanismes de transformations en fonction de critères géographiques, historiques, économiques, etc.

Modèles informationnels comme outils d’analyse diachronique, cumulative et comparée. Le développement récent des NTIC a permis de renouveler la façon dont nous étudions et rendons compte du patrimoine bâti. En phase amont, l’apport des communautés base de données et systèmes d’informations est patent aussi bien dans la gestion de grandes collections que dans la mise en oeuvre plus quotidienne d’études de lieux patrimoniaux. En parallèle, venant cette fois des communautés informatique graphique, de nouveaux outils ont apporté des progrès considérables en matière de relevé métrique et de représentation. En phase aval cette fois, l’utilisation de l’imagerie numérique (CAO, réalité virtuelle, réalité augmentée) à des fins de restitutions par exemple est devenue monnaie courante- avec des résultats plus ou moins convaincants, plus ou moins satisfaisants du point de vue des sciences historiques.

Mais la relative maturité des dispositifs technologiques et des solutions informatiques disponibles aujourd’hui fait par contraste lire la relative immaturité des méthodes de travail à mobiliser pour intégrer et tirer parti de ces dispositifs et solutions sur le long terme. En effet, ces avancées ont souvent eu tendance à cliver encore plus les disciplines observant le bâti, et à réduire l’artefact à un individu isolé, autrement dit à une « branche morte » du point de vue épistémologique.

En prenant acte de ses acquis propres, et des liens tissés avec différents partenaires au cours des années, nous nous fixons pour objectif d’investiguer une « démarche d’inventaire architectural raisonné », pluridisciplinaire, autorisant un chaînage opérationnel entre des outils, des démarches, des disciplines dispersées et posant quelques priorités :

    • La définition de méthodes et de techniques de relevé répondant aux besoins de documentation graphique (restitution de la morphologie), d’observation ponctuelle (analyse et suivi des altérations) et d’étude systématique (analyse comparative de paramètres dimensionnels et morphologiques).
    • Une structuration et une visualisation systématique des données spatiales et documentaires autour d’un jeu de concepts architecturaux – autrement dit par le prisme de la démarche de modélisation informationnelle, – pont méthodologique entre modélisation architecturale et visualisation d’informations.
    • La transition vers des méthodes de cumulation et de comparaison – effet de masse nécessaire à l’étude de motifs (patterns) et à la mise en évidence de discordances – et un effort conséquent de synthèse et de visualisation – pour tirer les enseignement du croisement de cas, et le réinvestir dans l’étude.
    • Un effort de contextualisation interdisciplinaire du lieu, matérialisation des liens du bâti au lieu et au temps de son émergence et de son évolution.
    • Des jeux d’informations hétérogènes distribués dans l’espace et dans le temps par le biais de maquettes jouant le rôle d’interfaces spatialisées (il faut entendre ici maquettes 3D ou 2D), au travers de tableaux chronologiques, ou en combinant distribution spatiale et temporelle lorsque cela fait sens.

Un tel inventaire peut alors déboucher sur des modalités de lecture comparative de l’ensemble des cas – sous la forme de dispositifs de visualisation d’informations (ceux-ci s’appuyant sur la distribution spatiale comme point d’entrée vers des formalismes potentiellement plus abstraits).

Dispositifs multi-modaux pour la simulation, la consultation et la valorisation
Jean-Yves Blaise (MAP-Gamsau), Didier Bur (MAP-Crai), Thierry Ciblac (MAP-Maacc), Livio De Luca (Map-Gamsau)

Ce thème se concentre sur la conception et le développement de systèmes d’analyse et de consultation permettant la diffusion et le partage des représentations numériques d’édifices patrimoniaux au sein des communautés scientifiques et professionnelles reliées aux problèmes de la conservation, de la restauration et de l’aménagement du patrimoine ainsi que de dispositifs de présentation pour la valorisation auprès du grand public.

Simulation d’ambiances. L’étude des ambiances lumineuses en phase amont de la conception architecturale et la mise en valeur du bâti patrimonial (notamment par la lumière), se trouvent ici envisagés comme supports à l’élaboration de méthodes et d’outils de simulation qui, s’ils se sont multipliés au cours des dernières années, ne semblent pas toujours répondre aux besoins des concepteurs. Il s’agira donc de se focaliser sur la problématique des interactions espace-lumière-énergie dès le stade initial de la conception en poursuivant les travaux de recherche déjà entrepris.

Comportement structural des édifices maçonnés. Le bâti patrimonial est ici considéré comme objet de futures interventions de restauration, réhabilitation ou stabilisation. Dans ce cadre, les outils classiques d’analyse du comportement structural, développés et utilisés originellement par les ingénieurs (technique d’analyse aux éléments finis, statique graphique, analyse limite), sont revisités en vue de participer à la construction d’outils numériques d’assistance destinés aux architectes. Les outils imaginés visent à faciliter l’évaluation des désordres et/ou l’anticipation de futurs désordres dans les ouvrages anciens notamment médiévaux, dans le but de prévoir leurs travaux de restauration. Ces outils sont développés sur la base d’un système de reconstruction automatique d’un maillage à partir d’un dessin en plan de l’édifice (développé à l’ARIAM-LAREA dans le cadre du projet de recherche OGIVE, 1998-2002). Ils ont fait l’objet d’un premier travail de thèse soutenue en 2009, dont l’objectif était la réalisation d’un outil informatique permettant, à partir d’un modèle 3D d’édifice, d’effectuer, de manière automatique, l’analyse limite de la maçonnerie de diverses coupes. L’outil développé dans cette recherche peut être utilisé à des fins d’évaluation des structures par les architectes, mais aussi dans le cadre de recherches sur l’histoire des constructions.

Systèmes de consultation sur Internet. En ce qui concerne les systèmes de consultation sur Internet, tout d’abord les efforts menés autour du développement de la plateforme NUBES seront continués dans l’esprit d’en ouvrir l’accès à d’autres communautés d’utilisateurs (organismes scientifiques ou institutions publiques) ainsi que d’interfacer la base de données 3D en voie de constitution avec des plateformes de visualisation immersive.

Consultation et valorisation des études patrimoniales. Les travaux de reconstitutions archéologiques et historiques sont systématiquement l’objet de questionnements relatifs au mode d’accès et à la transmission de l’information auprès du grand public aussi bien qu’auprès des spécialistes du domaine. Dans le cadre d’un travail de thèse, une réflexion portant sur un système de navigation facilitant l’acquisition et la mémorisation de connaissances a été menée, et constituera le point de départ d’un système plus large d’accès différencié à l’information. Le statut de l’apprenant ou du consultant par exemple, suppose des modes de navigation adaptatifs, une représentation de l’information diversifiée et des parcours cognitifs particularisés. L’accès distant à l’information via Internet et l’immersion in situ dans des modèles de reconstitution nécessitent quant à eux des recherches particulières sur les interfaces de navigation/consultation, sur la présentation/représentation des connaissances et sur leurs modes d’appréhension.

Réalité augmentée à l’échelle architecturale. Dans le cadre de la collaboration avec l’Institut Image de Chalon-sur-Saône et le laboratoire LIMSI (thématique Vida) de Paris, un intérêt particulier portera sur les technologies de réalité augmentée dans le but d’exploiter l’édifice réel (articulation de ses volumes, ampleur de ses espaces, sa capacité à réverbérer les sons, à livrer sa mémoire, etc.) pour la construction d’environnements multi-sensoriel réactifs (visuel, sonore, etc.) à l’échelle 1/1. Dans ce cadre, un apport majeur du laboratoire MAP, consistera en l’étude des solutions innovantes d’hybridation réel/virtuel basées sur une acquisitions 3D détaillée des espaces réels et sur des projections anamorphiques.

Modalités de représentation alternatives. Le dessin nous apparaît quelquefois aujourd’hui comme le média naturel par lequel se représente le bâti, en tout ou par parties. Des croquis de Villard de Honnecourt aux plateformes de modélisation géométrique, des aquarelles de la campagne d’Egypte aux dispositifs de réalité augmentée, de la carte de Cassini aux SIG, la figure traduit soit l’intention soit l’observé, dans une forme elle-même significative d’un état des techniques du moment. L’omniprésence de l’outil informatique dans nos pratiques d’aujourd’hui nous conduit naturellement à privilégier cette même modalité de représentation de l’architecture. Face à ce constat, Il nous semble légitime de rechercher aujourd’hui des solutions alternatives, polysensorielles, pour exploiter les analyses conduites autour du fait bâti. Il s’agit d’apporter par des moyens non exclusivement visuels un éclaircissement sur la forme et genèse du bâti, et, en retour, par l’effort d’abstraction et de synthèse qu’une telle démarche impose, ré-éclairer des jeux de données et d’informations dont nous pensons peutêtre avoir fait le tour. Ces travaux initiés en 2009 ont donné lieu à de premières expérimentations en matière de dispositifs tactiles avec la création du dispositif « tactichronie » – DI CNRS, BF en cours. Mais cette ambition rejoint des préoccupations qui se retrouvent aujourd’hui bien au-delà du champ de l’architecture 1 – interfaces tangibles, sonification d’informations, etc. Dans cette logique, au-delà de la thématique maquette tactile elle-même, les actions à mener auront pour objectif de développer des solutions alternatives au visuel non seulement pour la présentation mais aussi pour l’interfaçage de jeux de données et d’informations.